Interview

 

Pourquoi et comment es-tu venu au cinéma ?

La réponse est assez simple. J’ai décidé jeune adolescent de faire des films, et je m’y suis tenu. J’étais déjà un grand consommateur de film. J’allais seul depuis mes treize ans au cinéma et je regardais beaucoup de films à la télévision ou en VHS. Comme j’avais une mauvaise vue, mon deuxième rêve, celui d’être pilote de l’air, m’était interdit…

Ensuite, entre le rêve et sa concrétisation, il y a du hasard et surtout de l’acharnement. Quand on n’est pas « fils de », l’obstination est nécessaire pour ne pas flancher face aux l’obligations que l’on a de « survivre » de nombreuses années (payer ses factures).

 

Pourquoi l'utilisation du format court ?

Au début c’est une question de contingences, à la fois financière et artistique. Personne ne peut, sauf de rares exception, monter un long-métrage comme premier film, et surtout peu sont ceux qui peuvent le réussir. Le court permet de s’exprimer et d’apprendre.

Au delà, c’est un format en soi, qui n’a pas seulement à se définir comme une antichambre du long. L’histoire de l’expérimental, de l’animation mais aussi en partie celle du documentaire et de la fiction est une histoire du court, pas uniquement du long.

 

Est-il possible de vivre du court métrage ?

Oui. C’est très rare, mais c’est possible. Lorsque l’on fait des films qui raflent beaucoup de prix, qui sont correctement financés ou qui se diffusent à long terme. Mais aussi quand on accepte de vivre avec peu d’argent.

 

De quoi vis tu ?

En grosse partie de mes films. Et je complète par des projets de commandes de réalisation ou de montage, et parfois par des workshops ou des interventions devant des publics scolaires. Le problème quand on cumule tout, c’est ne plus réussir à vivre du temps qui passe, et ce qui est pourtant fondamental !

 

Que penses tu de la production de courts métrages aujourd'hui ?

Paradoxale… Nous devons être le pays qui met le plus d’argent dans la production de courts-métrages et en même temps nous ne produisons majoritairement que le même type de films (de la fiction bien pensante de « gauche », auquel s’ajoutent les animations « sympathiques »).

Pour ce qui est du documentaire, de l’expérimental, de la fiction non classique et de tout ce qui se situe entre les genres, c’est compliqué. Il serait temps de se défaire du primat du scénario et aussi se défaire de ce primat de la fiction comme genre qui serait le plus noble du cinéma (même si cela n’est évidemment pas énoncé).

Après, je considère personnellement que la composition de l’ensemble des commissions de subventionnement pose problème. Y siègent majoritairement des réalisateurs et des producteurs. Mais on ne peut pas être juges et parties. Ces commissions manquent de connaisseurs (universitaires, journalistes, programmateurs) externes aux petits jeux et aux petites manœuvres du microcosme du court-métrage. Personnellement, je ne reçois de l’argent de commissions que lorsque j’en connais les membres. Je n’ai aucun contre-exemple personnel après dix ans de réalisation. C’est troublant… Une autre chose qu’il faudrait un jour interroger est l’omniprésence des chaînes de télévisions dans la production. Leur apport est riche et inestimable. Pourtant qu’elles siègent aux commissions du CNC pose problème. De même, l’obligation qui est faite aujourd’hui par le CNC d’avoir un pourcentage significatif d’argent privée dans les budgets fait que l’on ne peut presque plus faire de films à peu près financés sans chaînes.

Malheureusement, il me semble que personne n’est prêt à réinterroger les pratiques de cette production car ceux qui en tirent partis sont ceux qui en décident. En tant que réalisateur, à chaque fois que j’ai voulu discuter avec des instances officielles, on m’a toujours renvoyé à mon statut de réalisateur, donc au statut de quelqu’un qui serait par « nature »  non objectif, d’autant plus que je viens de l’expérimental… On gagne pourtant toujours à la discussion. Depuis que je fais des films, le cadre de la production a très peu changé, alors qu’autour tout a été bouleversé.

 

Vois tu des perspectives avec le numérique, les nouvelles technologies, les réseaux sociaux ?

Oui et non. Mais rien qui change en profondeur ce qu’est un film et ce qu’est faire un film.

 

Quel est le meilleur moyen de réaliser son court ?

Le faire quelques soient les conditions à part celle-ci : le projet doit correspondre à son économie. On ne fait pas Star War sans argent.

 

Envisages tu de réaliser un long métrage ?

Un jour. Je travaille sur un projet documentaire qui a été très long à écrire et qui est maintenant très long à financer.

 

Comment as tu trouvé tes producteurs et quelles relations entretiens et entretenais tu avec eux ?

Certains sont venus vers moi après avoir vu mes films, j’en ai rencontré d’autres dans des escaliers ou dans des festivals. Souvent des hasards. J’ai en tout cas eu la chance de ne jamais en chercher.

J’entretiens forcément de bonnes relations, des relations de confiances, avec ceux et celles qui sont capables de me suivre sur des films plutôt durs à monter. En tout cas, je ne travaille qu’avec des producteurs qui n’interviennent pas sur l’artistique. Je n’entends pas par là que je me contrefous de leurs avis, au contraire, mais qu’en cas de désaccord, je suis celui qui choisit. Ca paraît évident, mais ça ne l’ai pas forcément.

 

Matthieu Ponchel
2013